L'endettement public, arme absolue pour démanteler l'Etat
Le déficit public a explosé partout dans les pays développés. D'abord par "socialisation des pertes" des banques et autres organismes financiers, ensuite par baisse des recettes fiscales générée par la récession puis la stagnation actuelle.
Par conséquent, la dette publique augmente partout pour atteindre des niveaux rarement égalés et potentiellement très dangereux. En effet, les intérêts de la dette augmentent au fur et à mesure, amputant le budget annuel de l'Etat de sommes toujours plus importantes. De plus, une perception du risque de défaut de l'Etat trop forte abaisse sa notation internationale, donc le taux d'intérêt auquel il emprunte. Ce scénario augmente d'autant plus le poids des remboursements d'intérêts.
Il est donc crucial de baisser le déficit. Je ne remets pas en question la décision de limiter la dette qui me semble bonne. Je m'insurge en revanche contre les moyens mis en oeuvre.
De nombreux moyens existent pour réduire la dette.
D'abord, si l'on est endetté auprès de l'étranger, on peut faire baisser sa monnaie, ce qui réduit d'autant les sommes à rembourser, augmente le prix des importations et favorise le commerce extérieur. Les risques sont importants : inflation, perte de confiance dans la monnaie, baisse des investissements étrangers. Aujourd'hui, seuls les Etats-Unis et le Royaume-Uni se sont lancés dans cette direction.
Ensuite, on peut jouer sur le budget de l'Etat : recettes à augmenter, dépenses à réduire. On appelle ça la rigueur. L'impact sur la croissance est généralement négatif : la hausse des impôts pèse sur l'activité, la baisse des dépenses pèse sur le taux d'emploi et les investissements. En revanche, cette stratégie préserve la force de la monnaie et la valeur des investissements. C'est le chemin suivi par la zone Euro, également par le Royaume-Uni.
Certains pays procèdent aux 2 stratégies en même temps, comme le Royaume-Uni. C'est que la situation est très tendue et qu'à la différence des Etats-Unis, la livre sterling n'est pas le dollar, et n'est pas protégée par son statut de devise de réserve. Ils espérent ainsi limiter les risques de naufrage de la livre en arguant de leur sérieux dans le contrôles des finances publiques. C'est sans doute une bonne stratégie, à l'exception des classes moyennes qui risquent fort de perdre et leur niveau de vie (salaires, consommation, crédit) et leur capital (baisse des prix de l'immobilier et de leurs actifs globaux par rapport aux autres monnaies).
Le hic principal, dans tout ça, c'est que la stratégie la moins risquée et comportant le moins d'effets pervers, ca reste la hausse des impôts, et notamment sur les plus riches (impôt sur le revenus et les capitaux notamment). C'est pas compliqué et ca rapporte beaucoup. Pourtant ce n'est jamais la priorité. Les raisons avancées sont : fuite des capitaux (voire des cerveaux), baisse de la consommation, désincitation au travail, etc. Hormis la fuite des capitaux (partiellement vraie), les autres arguments ont été démontés depuis longtemps.
Car donc, dans "endettement public", il y a "public". C'est l'occasion d'appliquer l'une des régles qui gouverne la pensée libérale : réduire l'Etat, non pas en tant qu'institution, mais en tant que prestataire de service. C'est ce qu'il se passe partout, en Irlande, en Islande, en Grèce, au Royaume-Uni, en Espagne, aux Etats-Unis, alors même que cette stratégie ne marchera pas car va tuer littéralement la croissance pour au moins 10 an et qu'elle va reposer exclusivement sur les classes moyennes et basses, et les jeunes (chômage, baisse des prestations, hausse des coûts de santé et d'éducation, etc.)
Seules la France et l'Allemagne, parce que moins touchées par la crise pour le moment, limitent les atteintes aux service publics. Mais jusqu'à quand ? C'est pourquoi les manifs actuelles sont quoiqu'on en dise importantes, car elles vont limiter la tendance du gouvernement à ultérieurement casser les services publics. Et ça c'est quand même une bonne nouvelle.